Atelier d’écriture à Villenave d’Ornon, le 31 octobre 2018. Texte de Denyse, puis de Christian.

Rouge pique-nique

 

Je me souviens du dimanche à la plage de Lacanau dans les années 50.

Le père au volant de notre pimpante 2CV, en short rouge de Venise et en marcel, la mère à l’avant auprès de lui, le pourpre aux joues, dans sa robe de crêpe-georgette aux motifs de homard, heureuse de retrouver la mer.

La route terminée, tandis que ma sœur et moi courrions dans les bosquets, les adultes cherchaient l’endroit idéal, ni trop ensoleillé, ni trop bruyant, ni trop sableux.

À l’appel de papa, toute la troupe s’engouffra dans le coffre : la mallette d’osier était bien là, un peu entrouverte, avec son pique-nique et la nappe à carreaux rouge et blanc que grand-mère avait cousue. La bouteille de vin rouge rehaussait son goulot.

Maman entama “Quand nous chanterons, le temps des cerises…“. Le tour de la bouche et les joues barbouillées du jus des fraises et des cerises, nous accrochions nos pendant d’oreilles…

Suite par Christian :

Oui, je me souviens ! C’était donc toi, avec ta petite famille ! Des rouges, non ?

Nous, ce dimanche-là, nous étions avec papa et sa 4CV 58 flambant neuve, de couleur vert kaki. Mais, toute occupée à faire la belle avec tes cerises, tu ne nous a probablement pas vus…

Cette 4CV, il fallait toujours la faire démarrer à la manivelle alors que la 2CV, qui n’en avait que 2, des chevaux, ce n’était pas possible à cause de son embrayage centrifuge et de ses deux cylindres à plat : il fallait la pousser !

Ce jour-là, comme tous les dimanches, nous avions acheté des huitres calibre 4 – papa prenait toujours du calibre 4 –, que nous avions ouvertes grâce à l’Opinel de papa, un Opinel N° 12, très solide, et qui convenait très bien pour cet usage, même s’il ajoutait un petit goût métallique à ce délicieux coquillage…

Bien sûr, comme tous les dimanches, nous avions laissé là, dans la clairière, toutes les coquilles vides avant de repartir vers Bordeaux par la départementale 36, toujours très embouteillée, et où papa aimait toujours doubler tout le monde, au mépris du danger.

À propos, j’ai remarqué que vous aussi, vous aviez laissé trainer pas mal de cochonneries dans la pinède… C’était le temps délicieux et perdu où la norme environnementale européenne N4K-V12 n’existait pas encore. Le sable a tout absorbé !

Avant cela, et après le repas, papa avait comme dans un rite déplié Sud-Ouest Dimanche, qui à l’époque tirait à 120000 exemplaires, pour nous lire le 43eme épisode des aventures du Petit Nicolas.

La messe était dite. Bref, encore un de ces 13 beaux dimanches de l’été, à moins que ce ne soit 12 ou 14 ?

Oh ! Pardon ! J’avais oublié le coup de rouge, le dernier pour la route !

Du 10 degrés, 5 étoiles, je crois !

 

Retrouvez les consignes de cet atelier d’écriture ici : https://www.oasisdepoesie.org/forums/topic/plongez-dans-la-couleur/

Vous pouvez commenter ce texte en vous inscrivant sur Oasis de Poésie (Menu Connexion)